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Cervo, Beyond Culture

The Cabin Essence - Artists in Residence - Report by Max Lobe

01.12.2022

Mon expérience CERVO: prendre de la hauteur

Trois semaines en Cabine Essence, le Cervin me fait la salutation, tous les matins, quel honneur !

Le bonheur se trouve aussi dans les crêtes de montagnes, l’altitude.

Le balcon a de l’allure, du bois, il y a beaucoup de bois par ici, tout un art de vivre, l’influence orientale du restaurant, le thé ouvre la porte sur une ruelle ensoleillée, le Maroc, comme s’il neigeait soudain en plein centre de Marrakech, fin novembre.

Trois semaines à chercher l’angle d’attaque, à planter et replanter le décor, des pages et des pages, dans le spa, je transpire maintenant le doute.

Est-ce que je vais y parvenir ?

C’est que le sujet est énorme. Le père. Faut savoir déplacer les montagnes.

Je me souviens des doigts qui masse. Les ongles sont bien taillés, ronds sur les bords, tout ce qu’on peut aimer lorsque ça glisse, reglisse, ça glisse sur le dos, là, oui, là encore. Le mouvement produit un bruit, comme une caresse sur le lobe

Le frisson du baklava a un goût de belles épices lorsqu’à deux heures du matin, je me lève, j’ai une idée, et si le père était comme le Karamazov, un type insupportable, pitoyable, qui déteste ses enfants, et si le père que je cherche était comme celui de Paul Austin dans The Invention of Solitude, le père transparent, celui qui ne vous calcule pas, aucun des pères n’est comme celui que je cherche.

Je me fais un thé, la couverture sur les épaules, je tire la porte coulissante, bonjour le Matterhorn ! la chaise-transat a le confort est un hamac. Dedans, je dépose tout ce que je contiens de souvenirs, je les dépose au pied de la montagne, l’ordinateur sur les genoux.

Faut compter une bonne dizaine de souvenirs malheureux pour tomber soudain, enfin !, un oooh !, ouiii !, je me souviiieeens !, papa aime danser comme ça, un-deux, un-deux, le funky-makossa, papa danse comme celui qui fait du ski de fond, il neige là-haut sur le Cervo, et moi, je me déhanche sur la musique de Eko Rooselvelt, imprimant un à un les visages de mes pères, de Dieu le père aux pères des indépendances, en passant par le géniteur.

Mon expérience à la Cabine Essence au Cervo, c’est regarder par-delà la montagne.

Un mot sur mon projet

Que fait un gamin quand on le met au banc de touche ? Il rêve. Il rêve, béat, allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête, les cheveux crépus et le regard rivé là-haut, la frondaison du manguier est abondante et parfumée, l’herbe est fraîche et le soleil doux.

1er janvier 1960, Ahidjo déclare le Cameroun indépendant. Le père Gwet Njé se trouve dans son village Longassè, l’information a un arrière-goût de défaite.

Le funky-makossa en toile de fond et en compagnie de ses amis Corneille, Henri-Michel et DG le Russe, le père Gwet Njé passe du temps à boire tout en critiquant la « démarche bancale du pays ».

Dans son appartement genevois, Benjamin Müller dresse l’histoire d’une famille aux racines ancrées dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun. En quoi cela a-t-il contribué à construire l’homme noir, gay et suisse qu’il est devenu.

Rudolf Duala Manga Bell, Um Nyobè, Ahidjo, Paul Biya, Max Lobe brosse le portrait des hommes qui ont fabriqué le Cameroun actuel.

C’est quoi ce truc-là, La chose père ? Quelle boule à facettes ce peut être ?

Avec ce roman, Max Lobe, confirme sa maîtrise de conteur, la langue en mouvement, comme dans une danse, la satire comme liberté de ton.

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